Rechercher dans ce blog

jeudi 8 novembre 2012

France: Le bocage nantais entre en guérilla à Notre-Dame-des-Landes



Il aura fallu près de cinq heures aux deux escadrons de gendarmes mobiles, épaulés par des CRS, pour détruire, mercredi 7 novembre, les sept barricades dressées sur la départementale 281, entre Notre-Dame-des-Landes et La Paquelais, à 15 km au nord de Nantes, par les opposants au projet de nouvel aéroport.C'est très exactement à cet endroit que devrait être construite l'une des deux pistes de la future plateforme aéroportuaire. La veille, Philippe, Charlotte, Romain et Renard, infirmier, étudiants, à peine cent ans à eux quatre, avaient allumé un feu qui a réchauffé le bitume et permis de mieux creuser à la hache l'excavation visant à retarder les véhicules des gendarmes.

Le doux bocage nantais est entré en guérilla. Face à face, deux camps se préparent à un combat de longue haleine qui pourrait tourner à la véritable guerre de tranchées. D'un côté, le gouvernement, Jean-Marc Ayrault en tête, premier ministre, ancien maire de Nantes, promoteur local de la nouvelle infrastructure depuis de longues années, et Aéroport du Grand-Ouest (AGO), filiale à 85 % de Vinci Airports, exploitant du futur aéroport qui doit accueillir ses premiers vols fin 2017.

De l'autre, une alliance détonante d'opposants au projet : des agriculteurs, des élus, des riverains promis ou non à l'expropriation qui doit permettre la construction de l'aéroport et des dessertes routières sur 1 650 hectares. Mais aussi des squatters, installés depuis deux ou trois ans dans plusieurs maisons vidées de leurs occupants et des "écoguerriers", arrivés récemment, militants rompus aux luttes "contre le système", ou "touristes", souvent jeunes, comme ces Australiennes ou cette Italienne croisées dans les chemins du bocage nantais. Le préfet de région, Christian de Lavernée, veut distinguer "riverains, agriculteurs, qui forment l'opposition institutionnelle, et les activistes, anarcho-libertaires, qui ont baptisé Notre-Dame-des-Landes, "le plus grand squat à ciel ouvert d'Europe"."

"VENI, VIDI, REPARTI"

Loin de réussir à diviser le front, l'opération d'expulsion débutée le 15 octobre – nom de code César qui a, du coup, inspiré des slogans tels que "Veni, vidi, Vinci" ou "Veni, vidi, reparti" – a au contraire soudé les rangs, suscitant émotion et solidarité. Et offre aux anti-Notre-Dame-des-Landes un nouvel élan pour réussir la manifestation du samedi 17 novembre, dont l'objectif sera de "réoccuper" et de reconstruire ce qui a été détruit. Pioches, fourches, poutres, clous, et "grands miroirs" pour empêcher les hélicoptères de la gendarmerie de filmer, font partie de la liste du matériel à apporter. Le rassemblement, qui pourrait accueillir des milliers de personnes, veut réunir familles, militants politiques, syndicaux et associatifs hostiles au projet jugé "pharaonique" de l'"Ayraultport", inutile économiquement et dangereux pour l'environnement, selon les militants.

Mercredi en fin de matinée, sous un soleil hivernal, les opposants font face à plusieurs dizaines de militaires, lourdement équipés. Ils sont pris en tenaille. Un jeune homme est plaqué au sol. "Enlevez-moi sa cagoule, je veux voir sa gueule", hurle un gradé. La plupart des manifestants qui portent cagoule et foulard parviennent à s'enfuir, sautant par-dessus les haies et les fossés qui bordent la D281.

La tension baisse un instant. Depuis les prés encore trempés des pluies diluviennes des jours précédents, les militants observent le ballet des véhicules de la gendarmerie. Ils protègent les engins de la direction départementale des territoires et de la mer Loire-Atlantique et les ouvriers qui comblent les tranchées et dégagent la route.

Cette fois-ci, les forces de l'ordre ne se risqueront pas dans les bois avoisinants pour déloger les cabanes et les campements dispersés. A l'instar du camp du "Far West", qui regroupe plusieurs dizaines de militants. "L'objectif était de rétablir la circulation sur cette route, impraticable depuis plusieurs jours", indique le colonel Frédéric Boudier, responsable du dispositif. Mais la route, à peine dégagée, est à nouveau obstruée quelques centaines de mètres plus loin par deux arbres couchés en travers.

FRONT JURIDIQUE

A chaque jour son combat. Mardi, il s'agissait de procéder à l'expulsion de squatters et de raser la maison occupée. En cette fin de semaine, ce sera peut-être au tour des gendarmes du peloton de haute montagne, venus spécialement de Briançon (Hautes-Alpes), de grimper aux arbres afin de déloger les militants haut perchés.

La préfecture a décidé de "nettoyer" la zone d'aménagement différé (ZAD) pour lancer au plus vite les premiers travaux. D'ici à fin novembre, explique le préfet, en vertu de l'arrêté pris sur la biodiversité, les premiers transferts d'insectes et de batraciens auront lieu. Les habitants de douze mares seront "déménagés", dont les tritons marbrés. Des fûts d'arbres abritant des grands capricornes seront déplacés. Les travaux de relevé archéologique commenceront au même moment. Février 2013 sonnera le début du déboisement. Le chantier de l'aéroport doit, en principe, démarrer au printemps 2014.

Quoi qu'il en soit, et en dépit de l'urgence, le gouvernement doit attendre l'issue des recours déjà engagés auprès des tribunaux. Car la bataille se mène aussi sur le front juridique.

D'autres procédures sont prêtes à être lancées dès la parution de l'arrêté préfectoral relatif à la "loi sur l'eau", d'ici à fin décembre. En vertu des diverses réglementations française et européenne, il y a obligation de préserver les têtes de bassin versant et de ne pas porter atteinte aux zones humides, éléments caractéristiques du bocage et de la zone du futur aéroport. "J'ai toujours pensé que ce dossier s'arrêterait avec la loi sur l'eau", dit Christophe Daugé, conseiller régional d'Europe Ecologie-Les Verts, qui estime que "Vinci ne pourra pas compenser la destruction des zones humides".

Du côté du gouvernement, comme de Vinci, on reste confiant. "La procédure de la loi sur l'eau et la compensation écologique des terres mobilisées seront respectées", insiste la ministre de l'écologie, Delphine Batho. Eric Delobel, directeur général adjoint chargé du futur aéroport chez Vinci Airports, assure, lui, que "9 millions d'euros au minimum sont réservés au titre de la compensation de la loi sur l'eau", sur un total de 446 millions, coût estimé des nouvelles installations aéroportuaires.

En attendant l'issue de ce combat juridique, les opposants restent mobilisés. Les plus anciens évoquent la lutte des paysans du Larzac dans les années 1970, quand agriculteurs et militants politiques avaient fait cause commune contre le projet d'extension du camp militaire. François Mitterrand, à peine élu en 1981, avait décrété l'abandon du projet.







Source trouver:
Naturealerte


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire